Get Back (cinéma)

Quel est le plus grand groupe de l’histoire du rock ? Je sais : c’est le genre de question bateau qui empêche de saborder les croisières sans surprises des languissantes soirées entre amis vieillissants. Mais pour moi, quand on me la pose, au risque de paraître d’une consternante banalité, la réponse est toujours restée la même depuis mon adolescence : The Beatles.

Alors oui, ça aussi je sais : les puristes me rétorqueront qu’en réalité, les Beatles ne sont pas un véritable groupe de rock. Plutôt un groupe pop qui, ils l’admettent toutefois, a ouvert bien des portes que pousseront allègrement les groupes rock qui leur succèderont. Je sais aussi que les Rolling Stones, par leur énergie, leurs prestations scéniques ou leur créativité plus instinctive qu’intellectuelle, devraient être davantage considérés comme LE groupe de référence de l’histoire du rock. Je n’ignore pas non plus qu’il est parfaitement vain de comparer des groupes d’époques différentes, d’établir une hiérarchie entre, pour ne prendre que quelques exemples (mes préférés en l’occurrence) le Led Zeppelin des années 70 (où tout semblait encore possible, musicalement comme politiquement), les Clash des années 80 (ou la rage punk criait sa haine de ce nouveau monde qui peu à peu s’imposait) ou le Radiohead des années 90 (où la mélancolie et la fuite semblent désormais seules capables d’échapper à la destruction annoncée). Bien sûr, je sais tout ça. Mais rien à faire : pour moi, les Beatles demeureront à jamais LE groupe absolu. Parce qu’ils étaient les premiers. Parce qu’ils ont tellement inventé. Et parce que j’avais 14 ans quand ils me sont tombés dessus.

Et voilà qu’ils me retombent sur la mémoire. Grâce à Peter Jackson, seigneur des anneaux, magicien du temps retrouvé, Gandalf de ma nostalgie musicale. Avec Get Back, avec toutes ces heures d’images et de sons enregistrées lors de la mise en boite de Let It Be, remasterisées, remontées, réinventées, rendues à la vie, Jackson nous ressuscite les quatre garçons de Liverpool dans toute leur authenticité collective. A un moment charnière : juste avant qu’ils ne se séparent définitivement. On les découvre au travail, en studio, en pleine création de chansons inoubliables, face aux difficultés d’un projet qu’ils voulaient scénique, face aussi aux tensions qui, immanquablement, seront à l’origine de leur séparation.

C’est à la fois surprenant, magnifique, émouvant, et ça fout un bon coup de balai à toutes les conneries qu’on a pu raconter sur le quatuor magique. Les Beatles ne se supportaient plus, pouvait-on lire dans certains journaux. Ils s’engueulaient, se tapaient dessus, ne formaient plus qu’un amas d’individualités centrifuges, n’entretenaient plus le désir d’être ensemble. Foutaises que tout cela ! Il faut les voir au travail : ils sont vraiment ensemble, ils n’ont rien perdu de leur créativité, ils rient la plupart du temps. Et si les tensions sont bien présentes (George Harrison quittera même un moment le groupe, poussé par un sentiment de frustration), si la présence en permanence de Yoko Ono (la compagne de John Lennon) laisse deviner que le couple est déjà ailleurs, si les divergences de personnalité s’expriment davantage qu’auparavant, les Beatles existent encore et toujours dans une volonté sans cesse affirmée de continuer à être ce qu’ils sont : un groupe. Sans jamais, absolument jamais élever la voix, faisant preuve d’une remarquable lucidité, d’une incroyable maturité.

De Get Back, Paul Mc Cartney sort grandi. C’est un médiateur adulte, respectueux des autres, animé d’un talent fou. Tout comme Ringo Starr, un homme d’une extrême gentillesse en compagnie de qui (dixit Linda Eastman, la petit amie de Mc Cartney qui deviendra sa femme), on se sent toujours bien. Tout comme sortent grandis les Beatles dans leur ensemble qui jamais ne nous auront paru aussi proches. Tout comme les années 60 dont ils auront incarné les espoirs et l’innocence. Tout comme mes souvenirs qui, remontés à la surface, me rappellent combien il était bon, à 14 ans, de découvrir les Beatles.

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