Michel Ciment est mort il y a quelques jours, le 13 novembre 2023, à l’âge de 85 ans. Critique et historien de cinéma, il avait notamment été l’auteur d’un ouvrage consacré à Stanley Kubrick, Kubrick par Kubrick, une authentique référence maintes fois rééditée et augmentée. C’est dire combien il a nourri l’admiration que j’avais pour le cinéaste de 2001 : L’Odyssée de l’Espace.
Je me souviens de cet homme affable et incroyablement cultivé (j’ai vu plusieurs de ses conférences et de ses apparitions à la télévision) qui venait d’une époque où on parlait des films comme on analyse des tableaux ou des romans. Il avait créé le magazine Positif pour contrecarrer le monopole idéologique de la revue à l’origine de laquelle était née la Nouvelle Vague, Les Cahiers du Cinéma. De vraies divergences de vues, allant parfois même jusqu’à l’insulte, opposaient ces deux magazines qui ne s’aimaient pas et, en vrai lecteur passionné de tout ce qui touchait au cinéma, j’avais souvent du mal à pencher pour les opinions de l’une plutôt qu’en faveur de celles de l’autre. C’était en tous cas intellectuellement passionnant. J’ai beaucoup grandi à la lecture de ces magazines. Lesquels m’ont surtout permis d’avoir un point de vue sur le monde, le cinéma étant avant tout une histoire de point de vue.
Aujourd’hui, quand je constate avec effarement combien ont mal vieilli certains films de Jean-Luc Godard ou de François Truffaut (cinéastes phares de la Nouvelle Vague, inattaquables aux yeux des Cahiers), combien ces films ne soutiennent plus la comparaison avec la pérenne pertinence de l’œuvre d’un Stanley Kubrick, je me dis que, vraiment, le plus souvent, c’est Michel Ciment qui avait raison.