Mon grand-père ne disait Mon grand-père ne disait Mon grand-père ne disait jamais rien Rien sur son corps à genoux dans la terre Rien sur son enfance sans dessein Sans autre dessein que de semer sa misère, Pour s’arracher des racines de lendemains Nulle part, entre Gand et le cimetière, Sous la voûte accablante du Divin, Nulle part, entre l’église et la guerre Mon grand-père ne disait Mon grand-père ne disait jamais rien Rien sur sa jeunesse soit-en-guerre Dans les camps, dans le froid et la faim Rien sur ses os sans plus de chair Qui claquaient sous les coups des Germains Ces Germains que des voisins disaient frères Qu’il n’a pourtant jamais reconnu pour siens Quel autre pays pour un paysan que sa terre ? Mon grand-père ne disait Mon grand-père ne disait jamais rien Rien sur le destin qui oblige à se taire Rien sur le hasard de naître que «flamin» N’être qu’un migrant qui franchit la frontière Dans l’espoir un jour qu’on lui tende la main Rien sur le mépris, rien sur ses prières Lancées dans la nuit pour devenir quelqu’un Quelqu’un parmi les autres, sans nulle autre lumière Mon grand-père ne disait Mon grand-père ne disait jamais rien Rien sur le vent, les étoiles et la mer Rien sur où conduisent les chemins Vers où coulent enfin les rivières Rien sur le manque ou le trop-plein Sur l’amour dont il n’entendait guère Que le silence de son quotidien Et si ce silence seul n’était vain ? A Jacques https://www.youtube.com/watch?v=zvsBP6h1w2U