Coxyde

Coxyde

J’échoue encore en Mer du Nord
J’ancre des étoiles de nausée
Comme un bateau vomi au port,
Un phoque jeté sur “Ster der Zee“

Accouché des bancs de Flandre
J’y vois crever des cormorans
Je lance des miettes d’enfance
Aux colonies pluviers d’argent

Et glane en pluies de sable
Des coquilles de trous noirs lactées
Qui soufflent le chant nomade
D’une galaxie égarée

Là, au bout du brise-larmes,
Brille le mégot de mon muet
S’en allant battre campagne
De boer en bourg, de Nazareth

Des jours en terre, une vie en croix,
Etriquée jusqu’à l’aorte,
A-t-il jamais, une seule fois,
Rêvé que la marée l’emporte ?

La mer m’appelle ! Je me souviens :
Mon équipage de brumes amères
En vagues à l’âme longtemps s’éteint
Jusqu’au sombre oubli polaire

Toujours le Nord nous a glacé
Des coques inabordables,
Des icebergs inavoués
Aux mélancolies friables

Nos tourments et nos tempêtes
Ont rongé la voile ronde
Et opulente que je tétais
Avant que la tumeur inonde

Mon frêle radeau depuis lors
Charrie envieux et moribonds
Cherche sillon en mer du mort
Sans guère d’azur ni horizon

Et sur la plage, dans le halo
Je crois hennir la jument blonde
Comme une empreinte au galop
Giclée des artères de Londres

Ma mer m’appelle ! Ah ! souviens-toi
De nos angoisses agenouillées,
Ombres dégradées dans les pas
De nos pères aux cieux portés

Chacun de nous en communion
Bandait sa lourde jeunesse
Pleine de plaies de dévotion
Que la vie infecte sans cesse

Mon frère humain pendu au mat
Comme un christ offert au néant
L’orgueil béant sous le ciel froid
Et pour toujours ton corps ballant

“Ebbe en vloed“ me remémorent,
Egrènent mes précoces funestes,
Pendulent des masques d’Ensor
Grimaçant le temps qu’il me reste

Et l’immense vertige vorace
Où âme jamais ne succombe
Peine à trouver une place
Dans ma boîte noire de monde

Tout naît à peine et déjà meurt
Au soleil lucide et levant
Il me pleut des cordes d’aigreur
Devant les tréteaux des vivants

Ô mer de la tranquillité,
Croissant fertile et amniotique,
Tu gardais la lune à portée,
Loin du chaos hystérique

Je n’suis qu’un poisson qui rampe
Sur la presqu’île de l’Yser
Mon sort écaillé s’invente
Des retours en solitaire

Des rives brûlantes en Egée
Ithaques nues et archipels,
Des constellations de charniers
Dans le firmament maternel

Je n’suis que le crollé qui bêle
Quand vient à boucler l’éphémère
Quand la mer bergère m’appelle
Et mon Bosphore m’accroche en terre

A Léo
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