Je me suis trompé (1)

Toute ma vie, je me suis trompé. Je me suis trompé sur presque tout. Sur Dieu, sur la société idéale, sur l’amour, sur la liberté…

Je me suis trompé sur Dieu. Quand j’étais petit, j’y croyais. J’y croyais même dur comme fer. Tous les jours, tous les soirs, je faisais mes prières. Je demandais grâce à Dieu, j’allais régulièrement « à confesse ». Mes parents m’avaient inscrit dans une école catholique. Davantage par tradition, pour ne pas affronter le quand-dira-t-on, que par conviction. Ils croyaient en Dieu tous les deux mais ne lui consacraient guère de temps. Ils n’allaient pas à la messe le dimanche. Jamais. Il ne fréquentaient les églises que lors des baptêmes, des communions, des mariages ou des enterrements. Moi j’y suis allé le dimanche pendant tout un temps, le curé de mon village qui m’enseignait le catéchisme m’y obligeait. Mais je ne le vivais pas comme une obligation, j’aimais ça, vraiment. Je lisais des extraits de la Bible, j’avais un crucifix dans ma chambre, je m’agenouillais avant de m’endormir, tout occupé à faire la comptabilité de mes pêchés de la journée avant de m’infliger pénitence. J’ai même été enfant de cœur. Et la nuit, dans la mystérieuse obscurité de ma chambre, je parlais à Dieu le père.

Plus tard, à l’adolescence, ça m’est passé. Et si j’ai nourri encore quelques doutes jusqu’à mes dix-huit ans, ceux-ci ont complètement disparu par la suite.

Il y a longtemps que je ne crois plus en Dieu. En aucun des Dieux sur terre, nés tous selon moi de l’imagination angoissée des hommes, cette angoisse qui m’étreignait dès mon enfance. Je ne crois surtout pas que ce Dieu qu’on me qualifiait infiniment bon nous ait créé à son image comme me l’enseignait ma religion catholique, mais bien plutôt que ce sont les hommes eux-mêmes qui ont créé Dieu en réaction à la leur. Il n’y a pas une journée, surtout en ces temps obscurs, qui ne vienne me le confirmer.

Bien sûr, m’objectera-t-on parmi les innombrables troupeaux de brebis fidèles, seul un aveuglement égocentrique et vaniteux m’autorise à affirmer avec tant de certitude que Dieu n’existe pas. Peut-être. Peut-être, oui… Mais c’est comme ça, je n’y peux rien : tout dans mon existence m’a conduit et me conduit toujours davantage à ne pas croire, à penser au contraire avec la plus profonde et la plus tenace des convictions que tout n’est que matière et hasard, que notre existence n’a aucun sens et que l’univers dans son infinitude ignore avec la plus complète indifférence l’importance que nous continuons à accorder à notre insignifiante destinée humaine.

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