La Terrasse

 La Terrasse
  
 Quoi de plus attrayant ? vous m’en diriez autant,
 Tranquillement assis au retour du beau temps
 Au bistrot d’à côté, en terrasse publique
 De quêter comme d’autres auraient bourré leur pipe,
 D’un œil évaporé et cependant très vif,
 Les allures radieuses des passantes impudiques 
  
 J’étais donc aux jardins de ces plaisirs fugaces
 Très loin de ma moitié, plein de désirs salaces 
 Lorsqu’une heureuse élue parmi ces créatures
 Aux courbes angéliques propices à me damner 
 Vint à poser près d’moi, sur la chaise d’à côté
 Sa chère anatomie dont je pris la mesure 
  
 La jeune voluptueuse au fort tempérament 
 Décida de jeter, intempestivement,
 Sur ma timidité pourtant congénitale
 Un dévolu si prompt qu’aux dames on n’prête guère
 Médusé, je faillis m’en retrouver par terre
 Dès mes esprits repris, elle et moi bavardâmes
  
 « Mon Dieu quelle chaleur ! » me dit-elle en ôtant
 Ce qui restait ou presque de ses vêtements
 Mes pensées devenues, j’avoue, pornographiques
 M’empêchèrent de répondre à ses trivialités
 Comme on aurait pu civilement l’espérer
 Et je n’eus que raideur pour unique réplique
  
 L’émoi concupiscent causés par ses appâts
 A sa sagacité par bonheur échappa 
 Mais redoublant de culot devant ma maladresse 
 La sirène sur mon mât se mit à s’acharner
 Et vint sans nul’ raison devant moi se pencher  
 Ajoutant au printemps le rayon de ses fesses
  
 Sitôt gonflé d’ardeur par autant d’indécence
 Ignorant désormais les lois d’la bienséance
 Je crus bon à l’impie n’infliger nul outrage 
 En vantant tout de go chacune des vertus 
 Du parfait horizon qui partageait son cul
 Et de flatter la foule qui peuplait son corsage
  
 « Non mais ! s’écria-t-elle, a-t-on jamais croisé 
 Semblable malotru, rameutant l’assemblée
 Et la vile bougresse, au bord de l’hystérie,
 De traduire mes éloges en autant d’agressions
 Et en lieu de spectacle notre conversation
 Tout ce monde adjura qu’on m’impose l’ordalie
  
 Devant tant de méprise, téméraire, je fis face
 C’est pas une pair’ de fesses qui m’fera perdre la face 
 J’entrepris à madame de lui faire comprendre 
 Que jamais mes penchants ne pourraient s’affaisser  
 Pour un cul encensé méritant la fessée
 Et d’envier le chanceux qui y plante sa tante
  
 Quant aux juges réunis au pied d’mon échafaud
 Prestement accourus comme eut fait un troupeau
 Je laissai quelques restes de philosophie 
 En clamant que l’époque prétendument nouvelle
 Où Pandora sans cesse se plaint qu’on la harcelle
 Au plus profond de moi ne tuera le gorille
  
 En clamant que l’époque prétendument nouvelle
 Où Pandora sans cesse se plaint qu’on la harcelle
 Au plus profond de moi ne tuera le gorille 

A Georges
https://www.youtube.com/watch?v=KgiGMIoPuc0