Les leçons d’un centenaire (essai)

Il va bientôt avoir cent ans. Rien des bouleversements de ce siècle n’aura échappé à Edgar Morin. Ni les guerres ni les crises ni les aveuglements. Il les aura pensés sans jamais rechigner à en être un acteur. Il tire ici ses leçons de la pandémie. Comme un ultime témoignage, aussi résolu, aussi vital que celui d’un jeune homme. Même si on a le droit de ne pas se montrer à la hauteur de l’espoir qu’il continue à nourrir pour l’humanité…

L’extrême puissance de la technoscience n’abolit pas l’infirmité humaine devant la douleur et devant la mort. Si nous pouvons atténuer la douleur et retarder la mort par vieillissement, nous ne pourrons jamais éliminer les accidents mortels où nos corps seront écrabouillés; nous ne pourrons jamais nous défaire des bactéries et des virus qui sans cesse s’automodifient pour résister aux remèdes, antibiotiques, antiviraux, vaccins. Nous sommes des joueurs/joués, des possédants/possédés, des puissants/débiles. Nous devons prendre conscience du paradoxe que l’accroissement de notre puissance va de pair avec l’accroissement de notre débilité.

Changeons de voie, Edgar Morin, Denoël, 2020.

La conception techno-économique prédominante privilégie le calcul comme mode de connaissance des réalités humaines (taux de croissance, PIB, sondages, etc.) alors que la souffrance et la joie, le malheur et le bonheur, l’amour et la haine sont incalculables. Ainsi, ce n’est pas seulement notre ignorance, mais aussi notre connaissance qui nous aveuglent.

Idem.

Le dogme prétendument scientifique du néolibéralisme régnait en 2019 sur la plupart des pays de la planète ; il réduit toute politique à l’économique et tout économique à la doctrine de la libre concurrence comme solution à tous les problèmes sociaux. De fait, le dogme néolibéral augmente terriblement les inégalités sociales et donne un gigantesque pouvoir aux institutions financières. Or les solutions immédiates à la soudaine paralysie économique du confinement mondial ont été contraires au dogme qui gouvernait l’économie : elles ont augmenté les dépenses là où on les réduisait, elles ont introduit le contrôle de l’état là où on le supprimait, elles préparent une protection pour une autonomie économique de base là où était prôné le libre commerce. Ce renversement justifie dès lors les critiques de fond faites au néolibéralisme et stimule les propositions d’un changement radical de Voie, notamment par une new deal écologique-économique relançant l’emploi, la consommation et le niveau de vie.

Idem.

L’espoir est dans la poursuite du réveil des esprits qu’aura stimulé l’expérience de la mégacrise mondiale. Il devient vital de changer de Voie.

Idem.

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