Le décès d’Annie Cordy aura une fois de plus prouvé, si besoin en était, que la Belgique, ça n’existe plus.
Le concert de louanges noir-jaune-rouge qui a accompagné chez nous sa disparition n’a cessé d’auréoler la charmante Annie d’une couronne royale qui la placerait désormais, à l’échelle de Brel, au panthéon des gloires nationales. Annie Cordy, symbole de la Belgique ? Annie Cordy, incarnation de la belgitude ?
Que nenni !
Car c’est une fois de plus ignorer que le nom d’Annie Cordy de l’autre côté de la frontière linguistique n’évoque pratiquement rien aux oreilles néerlandophones, et que si la bonne du curé a pu symboliser notre territoire, il ne peut s’agir en réalité que de sa partie francophone. C’est aussi oublier que ce fameux concept de « belgitude », prononcé ou écrit mille fois par les journalistes bruxellois et wallons ces derniers jours afin de rendre la Cordy plus belge que jamais, entendait souligner lorsqu’il fut formulé dès les années 70 très exactement le contraire de ce qu’on veut le voir signifier aujourd’hui, à savoir l’absence de réelle identité du Belge.
Il faudra un jour définitivement admettre que ce pays, où rien n’intéresse personne lorsqu’il s’agit de l’actualité de l’autre, est devenu une illusion, comme une toile de Magritte. Que nous manquons d’honnêteté pour définitivement le reconnaître. Et que la place accordée à chacune de nos prétendues gloires « nationales », surtout côté francophone, ignore l’existence même de la communauté d’en face.
On pourrait même se demander s’il n’y a pas là une forme de vestige d’arrogance francophone ?