L’ordinaire d’Adèle (essai)

Adèle Van Reethe, philosophe et chroniqueuse, notamment sur France Culture, a fait paraître aux éditions Gallimard le fruit de ses réflexions sur un thème généralement peu abordé en philosophie : la vie ordinaire.

Le drame, c’est l’eau tiède. La vie qui continue après la fin du film et dans laquelle il ne se passe rien. Les secondes qui se suivent et se ressemblent, d’année en année. On en reviendrait presque à la souhaiter, la fin, pour qu’enfin il se passe « quelque chose ». Interrompre le flux par tous les moyens, quitte à y laisser sa peau.

La vie ordinaire, Adèle Van Reeth, Gallimard, 2020.

Même en déployant des trésors d’imagination pour faire de notre quotidien un terrain de jeu imprévisible et passionnant, nous n’échapperons pas à l’écoulement des secondes ni aux stratagèmes que nous mettons en place pour nous donner l’illusion de garder la main.

Idem.

C’est étonnant la facilité avec laquelle nous adoptons insensiblement une route et nous faisons à nous-mêmes un sentier battu.

David Thoreau, Walden, cité dans La vie ordinaire, Adèle Van Reeth, Gallimard, 2020.

La vie ordinaire est une vie de faux-cul. On fait comme si c’était « déjà ça » de vivre « tranquillement ». Comme si on ne voulait pas d’aventure (…) Sauf que la plupart du temps, on n’y arrive pas. Mieux vaut se l’avouer : puisque l’existence humaine est à la fois provisoire et continue, puisque rien ne dure mais que le temps ne se retient pas, la tranquillité n’est pas de ce monde. Et c’est tant mieux(…)

Posez-vous la question, au moins une fois sans regarder l’heure, et demandez-vous si le nombre d’années parcourues, les épreuves et les angoisses endurées, si vous avez vécu tout ça pour vous réfugier dans la mauvaise foi de l’émerveillement ordinaire, pour vous laisser vivoter du matin au soir, sans envie, sans projet autre que de partager avec les autres les faits qui composent votre journée, sans jamais aller fouiller en dessous, remuer la vase qui encrasse vos désirs et vous fait croire qu’être quelqu’un c’est peser lourd, s’accrocher aux horaires comme si la vie en dépendait, compter le nombre d’heures jusqu’au prochain repas (…)

La vie ordinaire, Adèle Van Reeth, Gallimard, 2020.

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