Ulysse. L’aventure humaine (2)

Le long voyage d’Ulysse à travers la Méditerranée

Une outre aux quatre vents

Après l’épisode du Cyclope, Ulysse et ses hommes atteignent l’île d’Eole (aujourd’hui l’île de Stromboli, sommet d’un volcan immergé faisant partie des îles éoliennes au nord de la Sicile). C’est un coin perdu où Eole vit avec sa famille dans une totale solitude (l’inceste y est d’ailleurs le seul mode de reproduction). Mais Eole, dont l’île est au carrefour de toutes les voies maritimes, possède un pouvoir à nul autre pareil : il est le maître de tous les vents. C’est une sorte de super chef de gare ou d’aiguilleur du ciel suprême.

Eole fait la connaissance d’Ulysse qu’il reçoit très chaleureusement et qu’il apprécie tout particulièrement. Et pour cause : le grand voyageur lui chante l’Iliade, le récit des exploits d’Achille pendant la guerre de Troie. Eole recueille ainsi ce dont il est privé depuis toujours : l’écho de la rumeur du monde, les nouvelles de l’univers dont son extrême solitude le prive. En remerciement, Eole offre à Ulysse une outre qui renferme la source de tous les vents, à l’exception de celui qui le ramènera directement à Ithaque. Pas de meilleur GPS possible. Toutefois, Eole défend Ulysse d’ouvrir l’outre, auquel cas la situation deviendrait incontrôlable et le retour au bercail s’en trouverait considérablement mis en péril.

Ulysse reprend donc la route en toute confiance. Mais à l’approche d’Ithaque, heureux d’enfin pouvoir revoir sa terre et sa famille, il s’endort. Manque coupable de vigilance ! Ulysse a baissé sa garde. S’est laissé surprendre par le monde de la nuit. C’est une erreur fatale ! Car ses marins, curieux autant qu’imbéciles, font ce qu’il leur était interdit de faire : ils ouvrent l’outre ! Dans un tourbillon terrifiant, tous les vents s’échappent. Et Ulysse est ramené là où il était, sur l’île d’Eole. Il aura beau se confondre en plus plates excuses auprès du maître des vents, celui-ci lui refusera désormais son aide, estimant que si Ulysse a agit de la sorte, c’est qu’il est maudit des dieux (la vengeance de Poséidon doit forcément y être pour quelque chose). Et l’odyssée d’Ulysse de reprendre son cours…

Nouvelle étape, après sept longues journées d’errance : un port au pays des Lestrygons (dans les Bouches de Bonifacio, le détroit qui sépare la Sardaigne de la Corse). Pas des commodes, ces Lestrygons : ce sont des géants… anthropophages. Prudent comme à son habitude, Ulysse reste en retrait, cache son bateau dans une crique et envoie quelques hommes inspecter les lieux. Lesquels rencontrent une paysanne aux mensurations locales, beaucoup plus grande et plus forte qu’eux. Elle leur dit être la fille du roi et les invite à le rencontrer. Ce qu’ils n’auraient jamais dû accepter ! Car dès qu’il les voit arriver, le roi en dévore un. Les autres s’enfuient, redescendent vers leur bateau, mais pourchassés par les Lestrygons, pêchés comme de vulgaires poissons, ils sont dévorés à leur tour.

Ulysse a ainsi perdu tous ses hommes, à l’exception de ceux qu’il a gardé auprès de lui. Ne lui reste plus, des douze navires qu’il possédait au départ, qu’un seul et unique bateau, à bord duquel il reprend la route.

Au paradis de Circé

L’unique navire aborde l’île d’Aea (identifié comme le Monte Circeo, en bord de mer Tyrrénienne, à mi-chemin entre Rome et Naples). Une fois encore, Ulysse envoie des hommes en éclaireurs, une vingtaine. Ceux-ci vont découvrir un véritable paradis, un palais entouré de magnifiques fleurs aux parfums délicats et d’animaux en tous genres, tous plus inoffensifs les uns que les autres. Tout semble calme, la paix semble régner. Et la prudence des navigateurs s’étiole… Surtout lorsqu’ils sont accueillis aux portes du palais par une très jolie jeune femme, Circé, qui les désaltère avec une boisson dans laquelle elle a jeté un philtre. A peine ont-ils bu la boisson qu’ils sont transformés… en pourceaux ! Et Circé les enferme dans une porcherie.

Pendant ce temps-là, Ulysse, en compagnie du reste de son équipage, s’impatiente et s’inquiète. Il décide de partir à la recherche de ceux qu’il a envoyés et dont il n’a plus de nouvelles. C’est alors qu’Hermès lui apparaît. Le dieu messager lui raconte ce qui est arrivé à ses hommes et lui donne un contrepoison qui lui évitera d’être métamorphosé en porc.

Ulysse fait donc la rencontre de la magicienne Circé. Elle le fait boire. Mais à la grande surprise de la magicienne, il ne se transforme pas. Ulysse lui saute dessus avec son épée ! Circé se défend et le supplie d’arrêter le combat. Car elle sait, dit-elle, elle sait maintenant que l’homme qu’elle a en face d’elle ne peut être qu’Ulysse.

Ulysse se calme, non sans exiger que ses hommes retrouve leur apparence humaine. Et Circé d’accepter. Elle explique ensuite que si elle a agit de la sorte, c’est pour combattre sa solitude. En transformant ces hommes en porcs, Circé les a forcé à oublier qu’ils étaient des hommes, à savoir qui ils sont, d’où ils viennent et vers où ils doivent retourner. Ulysse l’écoute attentivement. La comprend. Et en tombe amoureux. Va naître alors entre elle et lui une véritable idylle.

Une idylle qui va durer. Qui ne va que trop durer car les hommes d’Ulysse, redevenus ce qu’ils étaient, commencent à trouver le temps long. Ils veulent rentrer. Ulysse doit partir. Et Circé, la mort dans l’âme, ne le retiendra pas. Elle lui indiquera même tout ce qu’il devra faire lorsqu’il abordera l’étape suivante, non des moindres, aux frontières du monde des morts.