Zeus’ Family (2) : Poséidon et Athéna

Zeus a distribué à chacun des membres éminents de sa famille un rôle très particulier. De quoi dresser quelques portraits choisis…

Les colères de Poséidon

Dieu des mers et de tout ce qui s’y trouve ou s’y rapporte (les poissons ou les crustacés, la pêche, les vagues et les marées, les marins d’eau douce, les pirates de bâbord à tribord, les migrants en Méditerranée, les sirènes, les icebergs, les Jaws ou le Titanic…), Poséidon a la colère facile, fréquente et irréfléchie. Laquelle s’exprime la plupart du temps par une propension compulsive à déclencher des tempêtes ou des tremblements de terre. S’il est content, le Poss est capable de vous créer une île en vue d’une escale sur plage de sable fin. Mais s’il est pas content, c’est le tsunami assuré.

Affublé d’un impressionnant trident, il faut bien avouer que le bonhomme a de l’allure. D’ailleurs, comme son frère Zeus, il collectionne les conquêtes féminines (déesses, nymphes, mortelles, tout est bon pour le cochon) et allonge sans vergogne la queue interminable de sa descendance. Parmi celle-ci, retenons Polyphème, cyclope qui jouera un rôle capital dans l’Odyssée.

On a raconté tant d’histoires à propos de Poséidon. Il en est cependant une, plus éclairante à son insu que toutes les autres, qui opposa le Dieu de la mer à la déesse de la guerre, Athéna. Et le QI du dieu des flots marins n’en sort pas grandi…

L’enjeu n’en était autre qu’Athènes, qui ne s’appelait pas comme ça au départ, et dont le premier roi cherchait un représentant digne de ce nom pour symboliser sa ville. Le challenge intéressa Athéna tout autant que Poséidon. Pour les départager, le roi demanda à chacun d’entre eux d’offrir un cadeau aux habitants. Le plus utile remporterait la mise sur base, et c’est bien la moindre des choses en cette ville au destin politique exemplaire, d’un vote démocratique.

Poséidon fit trembler la terre de son trident d’où jaillit une source infinie d’eau salée pour permettre de s’adonner aux jeux et aux batailles nautiques. Mouais… Athéna quant à elle, au moyen de sa lance, creusa un trou dans le sol pour y planter une branche d’olivier. Il n’y eut pas photo : devenu immense, l’olivier d’Athéna, gage de prospérité et symbole de paix, renvoya l’eau imbuvable de Poséidon, fou de rage, à ses mers salées. La préférence des habitants, et particulièrement des femmes qui firent pencher la balance en faveur d’Athéna, alla vers l’agriculture et la paix plutôt que vers le divertissement et la guerre. Et la ville prit le nom d’Athènes en hommage à sa bienfaitrice.

La sagesse d’Athéna

Athéna, parlons-en. Fille de Zeus et de Métis, sortie du crâne de son père tout en casque et armure, elle est la déesse de la guerre mais aussi, et en cela elle est bien la fille de sa mère, la déesse de l’intelligence (je vous parle d’un temps où associer l’un, la guerre, et l’autre, l’intelligence, ne surprenait personne). Contrairement à Arès, dieu de la guerre lui aussi mais véritable brute sanguinaire, Athéna ne cherche en rien à mener le combat pour exterminer son adversaire. Si elle le fait, c’est pour permettre les conditions d’une paix durable. Athéna, en somme, c’est l’anti-Traité de Versailles.

Elle jouera un rôle primordial dans bien des épisodes de la mythologie grecque, notamment l’Iliade puisqu’elle sera en compétition avec Héra et Aphrodite face au jugement de Pâris. On y reviendra…

Athéna, c’est la sagesse incarnée. Aux côtés de ses congénères olympiens, tous plus orgueilleux, querelleurs ou rancuniers les uns que les autres, elle fait montre d’une mesure et d’une métis sans pareilles. C’est la raison qui l’anime, bien davantage que les passions. Ce pour quoi elle est l’enfant préférée de son père, celle à qui Zeus pardonnera toujours tout.

D’une beauté remarquable, poursuivie des assiduités d’une armée de prétendants, Athéna les refuse toutes, déterminée à demeurer vierge. Parmi tous ceux qui l’assaillent, il en est cependant un qui, essuyant tant de refus, jamais ne s’avoue vaincu : Héphaïstos, le « metallo boiteux », le plus laid de tous les dieux, celui-là même qui avait permis la naissance d’Athéna en tranchant la tête de son père.

Un matin, Athéna en quête d’armes nouvelles, se présente à la forge d’Héphaïstos, lequel refuse d’être payé, déterminé à honorer sa commande uniquement par amour pour elle. Mais quelques jours plus tard, au moment où la déesse vient prendre possession de sa commande, l’amour s’est transformé en désir et l’hideux boiteux se jette sur le flamboyant sujet de ses concupiscentes convoitises.

Un tel comportement, voilà qui pourtant ne ressemble pas à Héphaïstos, qui d’ordinaire se conduit toujours en parfait gentleman. Mais quelle mouche a donc piqué le métallo ? Le coupable, en réalité, n’est autre que Poséidon, animé par la vengeance depuis l’affaire d’Athènes, qui se sert d’Héphaïstos pour nuire à Athéna en lui conseillant de lui faire la cour « avec ardeur » (ajouter un « h » ne serait pas superflu). Il tente alors de la posséder, elle se débat. Il déchire sa tunique, elle lui apparaît dans toute la splendeur de sa nudité. N’y tenant plus, l’éjaculateur précoce, de sa semence incontrôlée, souille le sol et enfante Gaïa elle-même. Un être étrange va naître de cette union non consentie et finalement non consommée. Un être rampant, mi-homme mi-serpent ! Gaïa, horrifiée, l’abandonnera à son sort. Mais pas Athéna. Qui l’adoptera et veillera comme une véritable mère à son éducation. De quoi symboliser à tout jamais la généreuse bienveillance et le respect de la différence.

Toujours Athéna apportera son secours et son soutien aux mortels qui le méritent. Sans elle, Persée n’aurait jamais pu triompher de l’horrible méduse dont le visage grimaçant ornera finalement le bouclier de la déesse. Sans elle, les Grecs n’auraient pu imaginer la construction d’un grand cheval de bois pour vaincre les Troyens. Sans elle encore, Ulysse n’aurait jamais pu rentrer chez lui, à Ithaque. Et Télémaque, le fils d’Ulysse, n’aurait jamais pu retrouver son père. Et c’est encore Athéna qui permettra à Prométhée de s’immiscer dans le temple olympien de Zeus pour dérober le feu et l’offrir aux mortels.

Aux hommes, elle leur assurera la juste application des lois. Elle leur offrira l’agriculture pour qu’ils prospèrent, leur enseignera les nombres, mais aussi la construction de navires dont le plus grand d’entre eux, l’Argo, permettra à Jason de se mettre en quête de la Toison d’Or.

On serait bien en peine de trouver quoi que ce soit de blâmable chez cette formidable déesse, intelligente, mesurée, bienveillante et civilisatrice. On ne voit guère aujourd’hui que la cancel culture tendance féministe pour débouler les statues d’Athéna qui, ô pêcheresse, transmis au deuxième sexe l’art de cuisiner, de tisser et de filer…